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Truthlurker recherches et symboles

VIA PURGATIVA - VIA CONTEMPLATIVA - VIA UNITIVA

1 Septembre 2021 , Rédigé par Lurker

APPRENTI - COMPAGNON - MAITRE

"...dans les moments d'isolement, on devra s'efforcer d'envisager et de juger les événements de sa propre vie et ses propres actions comme s'ils n'étaient pas notre fait, mais celui d'autrui."

R. STEINER

"Les Francs-maçons ont existé de tout temps. Il est vrai qu'ils ne s'appelaient pas de ce nom..."

Franz-Carl ENDRES

 

La pratique des rites souchés sur un mythe agrégatif implique, pour celui qui les accomplit, un investissement social tout autant qu'une adaptation psychologique à la réalité définie par le mythe. C'est ce que l'on appelle la Culture issue de l'éducation, c'est aussi ce que l'on peut considérer comme étant la Voie Initiatique. Cela permet à chacun de se définir comme membre à part entière d'un groupe, d'un pays, d'une Nation... Cela permet aussi d'intérioriser les concepts formant l'ensemble des pratiques socio-éthiques du groupe auquel appartient l'individu.

En ce qui concerne la Franc-Maçonnerie moderne, ce qui nous permettra de comprendre la culture générale de l'adepte sera de plonger dans le rite pratiqué par celui-ci en commençant par ce qu'il a de plus évident, c'est à dire les modalités de son déroulement et, d'autre part, ses conceptions Sacrées.

Cela peut paraître délicat et péremptoire, particulièrement dans la forme dite "latine" ou "progressive" de l'Ordre. Cependant, contrairement à ce qu'il peut être dit ou pensé aujourd'hui, c'est très certainement cette forme dont la structure rituelle est appelée "Rite Français" ou, parfois, "Rite Moderne" qui contient, dans la simplicité de sa forme, le plus de référents symbolique ayant trait au Sacré.

Au cours de notre ouvrage, nous tenterons de plonger dans les éléments permettant, parfois de décrire, parfois d'affirmer ou de déterminer ce qui ont fait de ces rites un élément important de la réalité conceptuelle propre au Franc-Maçon en Loge. Ces éléments "crypto-religieux" de définition de cadres de travail, de commémorations, de références gestuelles liées à une Sacralisation parfois hors du domaine habituellement défini comme religieux nous permettront de comprendre comment fonctionne l'outil rituel propre à cette forme occidentale de la pratique mystico-symbolique dont la particularité est, pour ses développements latins, de véhiculer une grande part des concepts rationalistes contemporains. Ce véhicule de rationalité n'est pas une surprise si l'on considère que la Franc-Maçonnerie, à l'époque de sa création, c'est à dire au XVIIIème siècle, fut à l'origine des mouvements de sociabilités démocratiques en Europe; balbutiements du phénomène associatif. Mais, au delà de cette constatation, il ne faut pas oublier que la Franc-Maçonnerie est, avant tout, un phénomène mystico-religieux souché sur la chrétienté occidentale et qu'elle peut représenter, pour le christianisme d'Europe, une forme de parcours ou de chemin ésotérique tel qu'on en retrouve partout dans les relions monothéistes du bassin méditerranéen. Cela ne veut pas dire que la Franc-Maçonnerie soit la seule forme d'ésotérisme chrétien, pas plus qu'elle ne fut le fruit d'une génération spontanée du dix-huitième siècle. Cette forme de société initiatique, pour exister, doit avoir des racines, se soucher sur des survivances, voire, conserver la mémoire des Mythes d'avant les Mythes...

Les éléments de Sacralisation dont nous parlons se trouvent, de fait, liés à une perception particulière de l'idée du Verbe fait chair, de l'épiphanie, définie dans l'occident chrétien comme la cause active de toute la vie et par laquelle ce Verbe se retrouve intermédiaire entre un Dieu parfaitement immanent dans son aspect d'Architecte Universel (on notera que le concept d'Architecte est différent de celui de Créateur) et une communauté créée non plus par miracle, mais selon des plans mécaniques qu'elle se donne pour tache ultime d'expliquer ( c'est, en grande part, le thesaurus Rose+Croix ), voire, d'être à même de reproduire. Cette nuance fondamentale de la pensée maçonnique par rapport à la pensée chrétienne est assez importante pour être soulignée car elle apparaît en permanence dans le parcours maçonnique des Loges dites Bleues1 elle se reflète particulièrement dans la formulation dont on comprend bien la relation avec les trois premiers grades :

"AUDI, VIDE, TACE - FIAT LUX ET LUX FUIT - QUARITE ET INVENIETIS"2

Le parcours est alors tout à fait clair, de même ses relations de cause à effet. Les mots et le silence sont tout aussi bien le véhicule de la pensée que la voie vers la Lumière.

C'est, en quelque sorte ce qui est sous-entendu dans la première épître de Saint Jean:

"..., ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont palpé du Logos de la vie; la vie s'est manifestée; nous avons vu, nous attestons..."3

C'est le type de concept qui donne lieu, par extension, au rationalisme de la recherche scientifique. Un état d'esprit tel que celui traduit par René DESCARTES, qui n'était pas Franc-Maçon, dans ses discours:

"Et me résolvant de ne chercher plus d'autre science que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans le grand livre du monde, j'employai le reste de ma jeunesse à voyager,[...] à fréquenter des gens de diverses humeurs et conditions, à recueillir diverses expériences, à m'éprouver moi-même dans des rencontres que la fortune me proposait, et partout à faire telle réflexion sur les choses qui se présentaient, que j'en pusse tirer quelque profit."4

Dès lors, on voit bien que les concepts maçonniques d'Architecte immanent et de partage des mots ne peuvent être que les ferment d'un certain égalitarisme tout aussi bien que d'un esprit d'association. N'oublions pas que, comme l'Ordre du Temple fut créé et conçu par et pour l'aristocratie féodale européenne des XIIè et XIIIè siècle, la Franc-Maçonnerie et, plus particulièrement sa forme dite "écossaise", fut conçue et crée par et pour la haute bourgeoisie du XVIIIè siècle qui avait, à cette époque, un grand besoin de reconnaissance et considérait qu'il était grand temps de tenir compte non plus uniquement de la noblesse de sang, maiss aussi de la noblesse d'idées.

Ces hommes construisaient un type nouveau de société et, en cela, construisaient un Temple, donc un Monde. Bien entendu, il ne pouvaient le construire autrement que sur les bases qu'ils connaissaient, c'est à dire celles de la chrétienté avec toutes les nuances que la renaissance européenne du XVIIème siècle avait pu lui apporter, c'est à dire une sorte de renouveau des Pères de l'Eglise, de la sagesse grecque, la prise en compte de diverses hérésies, la réforme en marche dans toute l'Europe et, bien sûr le mythe des Grands Ancètres gardiens des Portes: l'Ordre du Temple.

Mais, dans ses liens avec la chrétienté et, beaucoup plus visibles, le ternaire, les trois points, références directes à la trinité présentée par la maçonnerie dans un concept universel que l'on peut rapprocher de ce qu'en disait Saint Grégoire de Nazianze:

"Trias, - Ce mot unit des choses unies par nature et ne laisse point disperser les inséparables par un nombre qui sépare"5

En ce qui concerne les pratiques maçonniques, entre le dix-huitième siècle et le milieu du vingtième, les modifications apportées dans les pratiques furent des modifications de forme autour d'un mythe fondateur identique dont nous verrons plus loin ce qu'il peut signifier. Depuis le milieu du vingtième siècle, on assiste surtout à des modifications de fond partant de principes résolument politiques et dont nous avons déjà parlé plus haut.

En fait, on comprendra facilement qu'une pratique rituelle peut être définie comme contenant l'ensemble du tesaurus identitaire du groupe étudié par la codification des cérémonies et des relations du groupe, et par sa référence permanente au mythe fondateur structurant le groupe. La question qui reste en suspend et qui formera la trame de notre ouvrage est : à quoi ces pratiques font-elles référence ?

Bien entendu, il ne suffit généralement pas de décrire les rites pour en trouver la justification, encore faut-il, comme le disait McLuhan, se demander ce que chaque type de langage, chaque type de communication, a, par lui même, d'original. Si le mythe et le rite sont des systèmes de communication, voire, des système d'expression symboliques, il reste à savoir pourquoi tel peuple, tel groupe, à tel moment, a-t-il recours à ce moyen signifiant plutôt qu'à un autre ?

Et, même si, dans l'enthousiasme de la recherche, on parvenait à montrer que les rites, sous leurs formes actuelles dérivent de ceux des peuples dits primitifs, cela n'ôterait rien au fait qu'ils puissent aussi être déclinés de manière rationnelle et ne modifierait en rien l'éclairage qu'ils peuvent fournir sur les comportements de ceux qui les pratiquent.

Pour en revenir à notre présent propos, il est possible de définir un rite comme un acte qui peut être individuel ou collectif mais qui, toujours, lors même qu'il est assez souple pour comporter une marge d'improvisation, reste fidèle à certaines règles et à certains archétypes psychologiques qui, précisément, constituent ce qu'il y a de rituel en lui.

En tout état de cause, pour la Franc-Maçonnerie, il est possible de modifier la forme du rituel6 à condition de respecter un certain nombre de définitions syboliques de base, de conserver des signes de reconnaissance, et aussi le système des trois grades bleus, au delà les modification transforment trop le système pour qu'il puisse encore être appelé Franc-Maçonnerie.

Les rites peuvent se divisier en deux grandes catégories: les rites positifs et les rites négatifs7.

Les rites positifs ont pour but principal d'établir un contact entre le Sacré et le Profane. Ils englobent toutes les pratiques de purification, de consécration, d'initiation; toutes les pratiques d'agrégation de quelque chose ou de quelqu'un comme franchissant la ligne entre ce qui est hors du groupe et ce qui lui appartient.

Les rites négatifs sont ceux qui ont pour vocation de préserver le groupe des impuretés extérieures.

Dans le cas qui nous occupe, on peut dire que le rit français est un rite positif en ce qu'il a pour vocation de définir l'homme et la société, de faire évoluer les deux termes conjointement. On pourrait dire aussi que le Rit Ecossais Ancien et Accepté est un rite négatif en ce qu'il a pour vocation d'isoler l'homme du social et de ne le considérer que par rapport à un terme extérieur "transcendant".

Les rites sont définis de manière précises par ceux qui les pratiquent car l'accomplissement, la justesse du geste et de la récitation des formules, l'usage des objets, des instruments consacrés sont autant de garanties de succès de l'opération rituelle.

Pour qu'il puisse atteindre ses objectifs au mieux de ses possibilités, le rite doit se dérouler dans des conditions de temps et de lieu déterminés par sa nature et non dans les limites de temps et de lieu déterminés par la réalité de son exécution.

C'est pourquoi l'étude des rites permet, dans une large mesure, de comprendre les groupes humains qui les pratiquent car les actes rituels correspondent à des récits mythiques, à des développements symboliques déterminants de l'inconscient culturel des groupes qui les utilisent.

C'est ainsi que certains rites peuvent faire référence à des croyances antérieures à celles qui sont implantées dans les régions où ils sont pratiqués au moment où ils sont pratiqués et d'autres peuvent se substituer aux propositions religieuses locales.

La défection d'une religion, à ce titre, est bien souvent déterminée par la défection du rituel qui s'y attache et, même dans les cas ou il est observé qu'un dogme religieux perd de ses adeptes, cela ne signifie jamais que ceux-ci rejettent le comportement rituel car l'ancienne célébration est toujours remplacée par une autre. Seule la croyance ultime peut différée, rarement le comportement car les phases sociales et/ou du domaine de la foi, doivent être marquées. De même, la disparition d'un groupe social est toujours précédé de la disparition de ses mythes fondateurs et de ses rites agrégatifs. N'ayant plus d'auto-définition, le groupe disparaît.

Certains rites ont pour but de faire passer le Sacré de son premier niveau de perception à celui de transcendance.

Cette mutation de perception est généralement celle qui est pratiquée dans la forme rituelle la plus élémentaire, la plus archaïque; celle de la sacralisation du Mot, c'est à dire de la passation du souffle divin.

Dans ce cas, le Verbe permettra de transformer la perception abstraite en réalité concrète. Ces mêmes pratiques de passation du souffle vital sont utilisées dans les rites de consécration des morts.

Cependant, pour qu'elles représentent une forme aboutie, les démarches rituelles doivent permettre le lien entre la transcendance et l'expression humaine au delà de la mort. Pour ce faire, il est nécessaire que la structure symbolique du groupe ait atteint une phase permettant à la fois la constatation du phénomène mort comme appartenant à un cycle, mais aussi que ce phénomène puisse renvoyer à l'ancètre mythique. C'est à dire, qu'il lui soit possible de se référer à un mythe fondateur.

Avant qu'il y ait une réelle pratique rituelle, il doit nécessairement y avoir construction mythique. C'est cette étape que franchit la Franc-Maçonnerie en créant le troisième grade et en le référençant du Mythe d'Hiram; la mort, la définition de la Mort, l'ancêtre, la Mort du Père, etc...

Que cette construction fasse référence au schéma social ou à une démarche sacrée importe peu, ce qui importe c'est qu'elle se traduise en actes définissant les rapports que l'adepte entretien avec cette construction de telle manière qu'il y ait osmose entre celui-ci et le schéma rituel à un point tel que l'objectif se mêle au pourquoi de l'existence.

La réponse à la question fondamentale "qui sommes nous, d'où venons nous et où allons nous? "; devient alors la cause même de la réalité, le Sacré, d'objectif devient "Deus ex machina".

1C'est à dire des Loges regroupant les trois premiers grades: Apprenti - Compagnon - Maître. 

2Entendre, Voir et rester silencieux - Que la Lumière soit et la Lumière fut - Cherche et tu trouveras.

3Première Epitre de Jean I - 1

N.B. Les citations de la Bible que nous indiquerons seront, sauf avis contraire, tirées de la traduction d'A. CHOURAQUI.

4 R. DESCARTES - Discours, 1; VI, 9

5Cité par Vladimir Lossky

in "Essai sur la Théologie mystique de l'Eglise d'Orient"

Ed du Cerf Paris 1990

6Ce dont les Francs-Maçons ne se privent pas à en juger par le nombre de rituels existant soit en archives soit pratiqués réellement.

7On notera ici que les formules "positif" et "négatif" n'ont rien à voir avec un jugement de valeur ou une quelconque forme de qualification manichéenne, mais plutôt avec le concept de Yin - Yang dont les influences sont importantes dans l'étude du symbolisme. En effet, on peut charger plus ou moins d'une potentialité ou d'une autre un élément symbolique sans que son interprêtation soit définitive. Dans tous les cas, cette interprêtation dépend des éléments de développement et de l'interprêtation des symboles. A ce sujet, voir notre ouvrage : "Les Signes Secrêts de la Terre" Editions Henri Veyrier - Paris 1991

 

 

 

 

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