La Nuit des Temps... bloc note
« Premier Diacre : Qui va là ?
Second Diacre : C'est le Frère N. qui a été régulièrement initié comme Apprenti franc-maçon, passé au degré de Compagnon et qui espère aujourd'hui recevoir plus de Lumière en Maçonnerie en étant élevé au sublime degré de Maître Maçon.
Premier Diacre : Fait-il cette demande librement ?
Le Candidat : Je la fais librement. »
Style Emulation
Après avoir franchi la porte du Temple, la préparation qu'il vient de subir permet au candidat de prendre sa place dans le temps créé.
Depuis la nuit des âges, chaque être humain prend peu à peu conscience de ce qu’il est. Pour la franc-maçonnerie, cette prise de conscience est désignée par le secret, et s’affiche sous forme d’outils qui, par leur usage implicite, sont un prolongement de la pensée intime, donc, de la dimension sacrée qui déterminera les cadres du mythe fondateur. Il n'y a pas de secret sans conscience...
On sait que l’Homme est conçu, génétiquement, pour évoluer. Cette évolution opère de différentes manières dont chacune est source de culture. L’évolution de l’homme et de son environnement procèdent par étapes pas nécessairement parallèles. Il n’est pas de civilisation ou, au moins, de regroupement humain structuré hors de la prise de conscience de la Mort. Sans cette prise de conscience, le groupe reste un ensemble animal. Elle permet aussi de concevoir l’habitat, la protection, à la fois pour les Morts, mais aussi pour les vivants. On protège les uns des autres afin qu’il n’y ait pas de contamination. Ce constat de Mort implique aussi qu’il soit possible de la représenter sous l’image selon laquelle elle apparaît. En effet, contrairement à la Mort qu’il voit et pour laquelle il manque de théorisation, l’Homme se pense mais ne se voit pas. Dans ce cadre alterné, ce qui se représente est différent de Dieu… en représentant la Mort selon ses formes les plus élémentaires, squelette, corps en putréfaction, enlèvement de la jeunesse, égalité…, non seulement on lui accorde l’universalité et la permanence, mais aussi, on la différencie de Dieu car on lui reconnaît une forme qu’il est possible de réaliser, de sculpter, de peindre, d’élaborer. Cette forme, bien évidemment, est la nôtre et l’identification devient alors complète d’une part avec le destin immuable, d’autre part avec l’éternité. Alors, si l’on peut réaliser des sanctuaire pour l’accueillir, on peut aussi en faire de même pour accueillir Dieu et pour protéger les hommes. Celui qui construit est alors le Maître des Hommes, qu’il soit architecte, bâtisseur ou Prêtre, et c’est parce qu’il utilise des outils pour modifier son environnement visible qu’il projette ces mêmes outils dans un imaginaire qui lui permet d’édifier la part inconsciente de lui-même. Du visible à l’inconscient, de la forme au désir, aucun autre que nous ne peut percevoir ce qui réside en nos cœurs. Tel est le réel secret de la maçonnerie.
Aucun homme ne peut voir en votre esprit ou cœur. Aucun homme ne peut nous dire comment appliquer les leçons allégoriques de Franc-maçonnerie à notre vie, actions et caractère. Personne ne peut savoir « à quoi cela nous sert », on peut simplement constater l’aisance ou la maladresse à utiliser et comprendre le langage symbolique. La facilité ou la difficulté à accepter la prise de conscience de l’éphémère, la permanente certitude que cette éternité sur laquelle nous construisions notre perception de nous-même prend une autre forme.
L’usage des outils et des formes de construction qu’ils induisent amènent à réaliser alors que nous sommes, en quelque sorte, prisonnier de nos doutes tout autant que de nos certitudes. Bien que Maîtres maçons, nous ne sommes jamais réellement sortis du Cabinet de réflexion. Cela implique une corrélation particulière entre le développement de la pensée et la certitude de la Mort. En effet, l’évidente existence du « Moi » pensant et son corollaire d’éternité se heurtent au constat d’une fin irrévocable qui, par l’image qu’elle nous renvoie, ne peut être admise. Si nous pouvons admettre le pourrissement de nos corps, rien ne nous permet de concevoir la solidarité entre la chair et ce qui l’anime… « j’affirme mon existence parce que je la pense »… « je sais que mon visage existe mais je ne fais que l’imaginer » ou le connaître par d’autres images que celles de ma vision directe… mais « la fragilité de mon être physique m’amène très vite à comprendre que je ne suis pas seulement ceci ou cela et que je ne peux être ce que je suis universellement, éternellement ».
Nous ne sommes définitivement pas uniques, nous ne sommes pas que ceci, pas que cela. Nous sommes tous à un moment ou à un autre, « par ceci » et sur « ceci », nous sommes l’outil et son usage. Nous sommes la source et les formes que nous lui donnons, c’est ainsi que les rituels se présentent comme une sorte de danse pédagogique. Ils nous incitent à apprendre. Ils constituent une part importante de notre vie . Depuis les temps les plus anciens, la rituélie était utilisée pour donner corps, actualiser la description du monde et ses conséquences, ses croyances et ses Dieux. La danse de l'homme primitif, comme sa gestuelle rituelle, montrait les éléments du monde à l’état brut. Ils y étaient montrés comme on désirait les voir, le plus exactement possible. La vision symbolique n’avait pas encore de fondements potentiels assez solides pour pouvoir s’exprimer. Les contacts avec les esprits ou les divinités vinrent ensuite. Les plus anciennes sont celles où le Shaman danse seul afin de pouvoir converser avec les esprits. Peu à peu certains hommes du clan y ont pris part. Ces rituels et ces danses nous le confirment toujours ; à aucun moment nous ne pouvons être « entièrement » ce que nous sommes. Chaque part de nous tue l’autre pour la remplacer. C’est le pèlerin, l’étranger qui prend sa place en nous, nous ne pouvons même pas être certains que la totalité des « ceci » ou des « Moi-je » qui se seront succédés auront pu faire de nous une complétude. Tel est le sens ultime des voyages, de pérégrinations du Compagnon qui aura laissé sa marque sur sa construction du Monde. Telle est l’affirmation du mythe d’Hiram tué, détruit par étapes et jamais complètement ressuscité. Les mots, le souffle, sera substitué et c’est l’objet de la substitution qui se transformera en présence dans l’énonciation de la pensée. Du fin fond des âges, l’Homme est génétiquement programmé pour évoluer. Il en est de même de ses formes de pensée dont l’apparition s’accompagne de la certitude de l’existence universelle de l’être comme elle s’accompagne de l’émergence d’une signification pour la mort. L’Homme ne devient Homme que dans la mesure où il ritualise son existence et où, par cette rituélie, il la partage avec d’autres hommes. Aujourd’hui, la Mort ne nous apparaît plus de la même manière, elle n’est plus représentée naturellement. Seule la mort violente est montrée, comme une exception, une fin anormalement tragique de la vie. Cette dénaturation de la place de la Mort provient essentiellement de notre individualisme. L’Etre humain n’est un membre d’une société, mais une identité indépendante et revendicatrice de son ego, à ce stade il n’y a plus de différenciation entre la Mort et Dieu, l’une est le bras de l’autre, il n’y a plus d’évolution naturelle et, par la même, il n’y a plus de transfert de l’intelligence. Là où l’on pouvait naturellement concevoir que l’âme était la prolongation de l’être, on affirme que l’individu est une fin en soi… cet individu reste toujours égal à lui même et l’évolution naturelle, naissance, jeunesse, vieillesse, mort n’est plus un cycle, mais une malédiction… Notre regard se construit de l’intériorisation, d’une forme de schizophrénie contrôlée, sacralisée qui se caractérise comme le regard d’un alter ego susceptible de reconnaître l’immuable avancée du Temps sur la pensée.
En prenant conscience de ce que nous sommes « universellement », il se peut que nous puissions nous comparer à ce que nous avons été.
Dans cette conception du Temps l’être n’a plus sa place, seul reste le souffle immuable. La Tombe est vide puisque le souffle a été substitué et la seule raison qui justifie cette substitution est la signification que l’on attribue à notre existence et qui dépasse la limitation par la mort. Nous n’acceptons pas de mourir, c’est l’une des conséquences de l’évolution spirituelle, dès lors, naturellement nous nous représentons les choses après la mort et notre seule référence est ce que nous constatons chez les autres. L’ordre du monde n’en est pas perturbé. Bien évidemment, l’idée de mourir ne contredit pas la réalité de la pensée, sinon celle de penser sa propre Mort. Spontanément, dans cette situation, nous projetons la vision que les autres portent sur nous et nous acceptons notre propre image de Mort puisqu’elle résulte de l’affirmation universelle de l’être dans la formule ritualisée « je suis ».
La Mort n’est plus, depuis longtemps, l’inconnaissable concurrente entre Dieu et l’Etre, Elle recouvre son universalité. Dans l’Egypte ancienne, le Pharaon existe sans être limité à celui qui l’incarne. Le Roi ne meurt jamais. Cette immortalité Royakle est exprimée depuis le XVème siècle par l'acclamation "Vivat, Vivat, Semper Vivat" au passage du cortège funèbre du Roi défunt et conduit par le Roi en titre... Si son corps est abattu, il se relève toujours et les mots qu’il prononce sont toujours ceux qui font référence. Bien que substitués, les mots sont éternels et se drappent de la même fonction d'immortalité. Ils définissent l’archétype tel qu’il se présente à l’issue de la cérémonie de Maîtrise et se trouve confirmé dans la Cérémonie du Maître installé : « l’esprit de l’Homme mûri et discipliné offrant sur toutes ses faces les beautés de la piété et de la Vertu. Un esprit ainsi mûri et discipliné ne peut être mis à l’épreuve que par l’Equerre de Dieu et par le Compas de sa propre conscience. » Avoir le pouvoir sur les noms c'est avoir le pouvoir sur les choses... Reste à franchir l'image du Temps qui nous cloue à la peur de la Mort... nous ne voyons que l'eau qui coule et jamais celle qui est dans la jarre, nous n'avons plus la vision du cycle et même les francs-maçons s'attardent sur l'illusion des grades hors la réalité de l'Etude...
Pour nous, l’Apprenti observe et se construit, le Maître se prépare à revenir Apprenti, en fait, il établi son viatique pour aller vers autre chose. C'est très probablement ce que l'on peut comprendre par une formule qui déterminerait l'unicité de la franc-maçonnerie et sa complétude dans les trois grades uniques d'Apprenti, de Compagnon et de Maître, y compris l'Arche Royale... Le conducteur des travaux redeviens celui qui cherche… l’ensemble se construit, comme on vient de le voir, par l'Equerre et le Compas, c'est à dire la rectitude et l'intelligence.
« et portam Fontis aedificavit Sellum filius Choloozai princeps pagi Maspha ipse aedificavit eam et texit et statuit valvas eius et seras et vectes et muros piscinae Siloae in hortum regis et usque ad gradus qui descendunt de civitate David » Neh 3:15
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