La Maison des mots...

Proverbe africain
Le langage est un système ingénieux d'artifices qui permettent d'invertir le mouvement de la vie en son
contraire, de fixer des idées là où tout passe, de stabiliser des choses qui ne cessent de se développer.
C'est de cette manière que Foucault déterminait les structures des outils de l'Etude en soulignant les nécessaires croisements de deux domaines privilégiés ; l'Histoire et
l'ontologie.
Le monde des sons contient la nourriture intellectuelle
de l'esprit. Le Monde du Silence, comme celui des formules ou des invocations est le lieu du mystère de l'inconscient , de l' "âme", au sens jungien du terme, c'est à dire, cette part humaine
qui véhicule le lien entre l'éducation et l'instinct.
Le discours généralise l'appelle par son éthique et son esthétique, la
totalité de perception du temps qui reste lié à la conscience muette qui nous fait connaître le sens de l'inconnu. Le sens qui allume un désir de Lumière, de Vérité...
En définissant les inter-relations, Foucault nous orientait vers un caractère actif
à leur « capacité de saisir l'éternel dans le présent, de saisir et de garder dans le temps ce qui est destiné à survivre à la mode, la capacité de transformer l'éternité du présent
et rien d'autre .Imaginer le présent autrement qu'il n'est et le transformer non pas en le détruisant mais en le captant en ce qu'il est. ».
Dans ce contexte, le langage apparaît comme l'instrument de la conscience : la
vie en mouvement constant insaisissable se confronte à l'image saisie d'elle-même. Les mots, dans ce contexte, deviennent les murs, ils construisent les limites d'un Temple qui s'étend d'est
en ouest, du Nord au Sud... du plus profond de la Terre à la voûte des cieux... C'est cependant ces murs, ouverts sur l'espace comme le montre la première lettre de la Genèse qui permettent
au souffle, au Verbe, de créer.
Comment la vie en mouvement et son image stabilisée peuvent-ils
cohabiter?
Difficilement ou bien tout simplement en ne se privant jamais ni du Silence, ni de la Parole? L'Auto-régulation
provient de la conscience et non des interdits.
Jn 1.1
"Au commencement était le Verbe..."
εν αρχη - En Arche - "En" est une proposition qui définit un temps, un moment précis et "Arche" désigne une place dans le temps, un commencement, une résolution dotée du pouvoir de commandement... "En principe"... "Rien ne s'oppose à..." E-mi, ην - est la première personne du singulier du verbe exister... nous avançons donc vers quelque chose qui ressemblerait à "En principe, j'existe..."o" désigne, masculin ou féminin, couramment neutre, "Le", "La", "ça"... mais aussi "je me désigne comme"...
λογος - Logos est une pensée raisonnable, un flux créateur, les mots et la pensée qui les gouverne et qui permet de fixer et d'expliquer les raisons... c'est la motivation première de toute chose...
και - est quelque chose qui s'apparente à une copulation, une reproduction, quelque chose qui vient en dedans pour créer. C'est aussi une conjonction, "dans", "avec", "c'est comme cela"...
"Rien ne s'oppose à ce que je sois ce que je suis et que je l'exprime..."
προς - "Dans ce cas", "et de plus".
τον - Article défini : Le
θεον - Theo, Dieu, l'être suprème.
"Rien ne s'oppose à ce que je sois ce que je suis, une part de l'Etre Suprême qui est Dieu et qui forme les mots de la Création."
Le langage transmet une tradition, mais elle doit être tout le contraire d'un cortège funèbre, elle exige une
perpétuelle re-naissance qui ne vise pas l'unité sémantique antérieure, mais une fracture sémantique pour une réinformation permanente du monde. La philosophie n'est pas étrangère à ce débat
du langage.
Héraclite, déjà, écrivait :"Nous entrons et nous n'entrons pas dans les mêmes fleuves; nous sommes et nous ne sommes pas."
Cette déclaration est à se taper la tête contre les murs !
Que signifie cette
opposition "être-ne pas être" "entrer et ne pas entrer" ?
Doit on la rapprocher d'une image de l'Homme qui ne serait ni nu, ni
vêtu ?
Certes, la Loire, au bout d'un bref temps écoulé, ressemble davantage à ce qu'elle était auparavant qu'elle ne ressemble à la Seine, mais elle n'est qu'approximativement la même.
Nous entrons dans le même fleuve "Loire" parce que c'est pour nous le même : nous lui donnons le même nom.
Nous n'entrons pas dans le même fleuve "Loire", mais une mouvance ininterrompue, un changement continu que le langage ne peut absolument pas suivre dans sa variation.
« Le langage, qui dit avec des mots définis, ne peut dire que les lois, qui seules sont stables, constantes, égales à elles-mêmes, non les êtres, car il n'y pas d'être en réalité : il n'y en a qu'en apparence. »
Héraclite disait : « tout s'écoule! » : « Panta rheï » et, dans le même temps, il avançait une réflexion d'une haute portée : tout s'écoule, le monde est en devenir.
L'être n'est pas une essence stable. Il devient, devient.... et son présent ne peut jamais se confondre ? Et pourtant nous employons les expressions telles que l'homme est, la chose est.
Le prophète et le philosophe expriment ainsi la même expérience du langage !
