Les enfants de la Louve... LEWIS...
« Avoir un système, voilà qui est mortel pour l’esprit ; n’en avoir pas, voilà aussi qui est mortel, d’où la nécessité de soutenir, en les perdant, à la fois les deux exigences »
Françoise Schlegel
« ceux qui disent que le seigneur est mort d’abord et qu’il est ressuscité ensuite se trompent, car il est d’abord ressuscité, il est mort ensuite. Si quelqu’un n’est pas d’abord ressuscité, il ne peut que mourir. S’il est déjà ressuscité, il est vivant, comme Dieu est vivant. »
Evangile de Philippe, logion 21
ewis ou louve est un dispositif qui permet à un maçon opératif de soulever de lourdes pierres aux tailles exigées par le plan et de les mettre en place
avec sûreté et précision, à la place qui leur est destinée.
Le symbole qui nous est présenté est composé d’un trépied à trois bases, reliées, par un système de cordes et de poulies, à une pierre taillée, cubique. Il est figuré sur les tableaux de loge au grade d’apprenti et sa fonction comme sa signification symbolique sont expliquées lors de la cérémonie d’initiation.
Ce symbole, visualisé globalement, évoque d’autres images : celle par exemple du delta lumineux, lien entre le ternaire et l’unité, celle de la verticalité et de l’ascension et donc du fils à plomb.
Le Lewis lui-même,
outil des maçons bâtisseurs, est la pièce de métal en queue d’aronde qui est insérée dans la pierre et qui, relié à la corde, permet l’action de levage. Le nom de Lewis provient
probablement du latin « leuis » (l.e.u.i.s soit « lé- ou-is ») qui signifie soulever.
Le trou spécialement formé pour accueillir le dispositif est appelé « trou du Lewis » ou « place du Lewis ». Il est, si nécessaire, comblé par le mortier de construction après que la pièce ait été mise en place. D'un point de vue opératif, le Lewis doit donc être relié à un système de levage qui permettra un déplacement non seulement vertical mais aussi latéral de la pierre, ce que ne permet pas le système figuré dans le rite émulation. Adapté comme nous le verrons à sa fonction symbolique, et c'est un aspect fondamental de cet outil, il ne permet que de soulever et de poser une pierre.
Nous nous trouvons donc bien ici comme dans beaucoup d'autres exemples, en présence d'une ré-appropriation spéculative d'un outil opératif.
Lors de l’étude de ce symbole, j’ai choisi de faire appel à des références bibliques en raison du contexte et des symboliques judéo - chrétiennes du rite. Et aussi et surtout parce que ce texte structure notre culture et peut être utilisé comme source d’éléments symboliques, en dehors de toute approche véritablement religieuse, le tétragramme étant alors compris comme la référence à l’essence de l’Etre, que cette source soit dénommée Dieu, G.A.D.L.U. ou autre.
La planche tracée précise que « la pierre brute est le symbole de l’homme dans son enfance ou au premier stade de sa vie » alors que la « pierre cubique symbolise l’homme au déclin des années ». Le passage de l’une à l’autre s’effectue pour l’initié notamment « grâce aux soins affectueux et vigilants de ses parents ou de ses maîtres dispensateurs d’une éducation libérale et vertueuse, qui élèveront son âme. »
Cette pierre cubique ou « pierre parfaite » représente , nous le verrons plus tard, une pierre de fondation. A la première lecture, elle représente donc le maçon expérimentée. Mais peut-être est-ce aussi l’expérimentation issue de la pratique du rituel , conformément à la logique du rite Emulation, et, pour tous les FM, l’identification et l’analyse des différents composantes intérieures.
Elle précise que « Le lewis ou louve symbolise la Force ».
Le lewis transmet la force de levage et rend possible le déplacement de la pierre à laquelle il est relié.
Le processus de transmission
Cette Force nous apporte la consolidation de notre conscience, de notre capacité à nous structurer autour des pierres fondatrices que sont nos constructions culturelles en perpétuelle adaptation.
L’importance de l’altérité dans la construction d’une capacité à se penser en individu « en train d’être », à appréhender l’Etre dans la temporalité, ainsi réaffirmée, rappelle à tous ceux qui ont vécu la Cérémonie de Réception de l'Apprenti Entré combien la démarche est solitaire, par tout ce que l'on y apprend net qui ne représente que l'absolue certitude de l'introspection au coeur du partage, car l’expérience est dans une large mesure incommunicable. Mais cette allégorie nous rappelle aussi, de manière plus implicite, que seul le partage permet de progresser et que le ressourcement rendu possible par la rituélie à l’occasion de chaque tenue ré-intégre chacun dans sa voie propre (le point au centre du cercle... de cet endroit, nul ne saurait se perdre).
De plus, par sa position sur le plateau du 1er surveillant le Lewis établie avec l’angle Nord-Est et le Maître de la Loge, par triangulation, la forme du trépied et rétablissement de la rêgle de Trois, le partage des zones d’ombres et de lumière au sein de la Loge.
Ré-interrogeons notre ami Lewis : à quoi sert-il ? nous l’avons vu, à démultiplier la Force de levage en vue de placer la pierre de fondation sur laquelle les temples intérieurs sont construits en vue d’un objectif encore à déterminer, car une fois le temple construit, qu’y mettre ? Par quel sacré faire habiter le saint des saints ? mais c’est là une autre question renvoyée à d’autres temps.
Les multiples représentations, fournies en annexe, de cet ensemble illustre la fonction première accordée au lewis : poser une pierre de fondation.
Nous revenons donc à la transmission, mais non plus au premier niveau de l’idée d’éducation mais à celui d’une transmission de la construction du cœur de l’idée d’altérité : l’éthique.
Les symboles nous transmettent un sens caché que nous devons chercher et dans une société qui se veut initiatique, qui énonce dès la cérémonie d’initiation qu’elle se donne pour mission de transmettre du sens, les symboles sont une voie vers l’éthique.
Cette quête de l’éthique en tout symbole est primordiale car elle permet à celui qui cherche sa vérité de ne pas s’arrêter à la forme matérielle que ses yeux perçoivent.
Et cette distance établie entre le chercheur de vérité et l’objet étudié autorise ce dernier à ne pas réduire l’Idée à la forme que cette culture lui a donné, à ne pas identifier l’Être à la matière. Et le danger de l’idolâtrie, réductrice de la distance qu’implique la perception et la construction de l’altérité est présent, je pense, à toutes les étapes du parcours.
Et se positionner par rapport aux symboles, par rapport aux rituels, ouvrir fréquemment les symboles comme des boîtes à parfum pour en découvrir à chaque fois une nuance différente ne constitue pas une tâche propre à un grade particulier.
La quête de l’éthique recouvre aussi la quête a minima du non appauvrissement du sens et si possible de l’enrichissement du sens.