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Truthlurker recherches et symboles

Avoir du chien... ou pas

4 Septembre 2021 , Rédigé par Lurker Publié dans #Initiations

 

 

Pourquoi les chiens ne peuvent-ils pas être psychanalysés ?

Parce qu’on leur interdit le canapé !

 

Durant ses investigations en quête des assassins d’Hiram, J... rencontre un chien cherchant quelque chose et se dirigeant vers l’entrée d’une caverne. On remarquera que ce chien ne lui appartient pas. Il semblerait que ce soit le chien de l’inconnu, mais, dans la mesure où rien, dans le récit, ne précise qu’A... ait eu un chien, on peut légitiment douter que ce soit le sien. Il s'agit peut-être, alors, d'un chien errant.

Alors, revenons au texte.

D22 Que signifie le chien ?

R Que le moindre indice sert à déceler le coupable.

Cette question/réponse, on le notera, est identique aujourd’hui à ce qu’elle était en 1776. Sur ce point, au moins, il n’y a pas eu de modification entre le rituel d’origine et celui du Régulateur de 1801 ou de ses « modernisations ».

Néanmoins, il reste à se poser la question de l’identité de ce chien. Il en est de même pour la caverne qu’il garde. En effet, au-delà de l’affirmation que l’animal soit le familier du meurtrier, nous n’avons pas d’information sur l’identité de la bête. Par contre, les traditions les plus anciennes ne manquent pas quant à l’animal gardien du destin. Loup pour les uns, coyote pour les autres, chien-loup pour les représentations que nous en avons à ce degré de la maçonnerie. Notre chien est parfois l’ami de l’homme, comme c’est souvent le cas chez les chrétiens, mais il est aussi, et c’est le plus souvent, un représentant des enfers. Le loup, le chien, n’est pratiquement jamais celui qui guide. Il est celui qui mord… dans le Tarot de Marseille, il s’accroche aux mollets du Mat, dans d’autres traditions, il blesse Saint Roch. Il peut être servile, mais toujours ambigüe. Pour les chrétiens, il peut être le serviteur fidèle de Dieu, le Domine canis, Dominique. Cependant, pour ce dernier Saint, on remarquera que ce nom désigne plusieurs Saints, plusieurs identités. Mais on retiendra que l’Ordre monastique qu’il fonda, est celui de l’inquisition… encore une fois, le chien est associé à la part sombre.

Voyons donc ce chien. Le chien est un gardien, il hurle à la lune et chasse souvent la nuit. C'est pourquoi, dans de nombreuses sociétés, il a été associé à la mort. Ainsi, il est le gardien des Enfers, empêchant les vivants et les morts de franchir la porte séparant les deux mondes. De là son association avec l’entrée des cavernes.

Cette fonction explique pourquoi Cerbère, Garm, pour les anciens germains, le chien noir, dispose de trois têtes pour rester sur le seuil de l’Hadès, le lieu des morts, le lieu de l’oubli. Une tête pour s’assurer que le passé reste bien à sa place et que les souvenirs ne soient pas confondus avec les désirs, une pour veiller au présent et faire la différence entre le visiteur curieux et celui à qui l’entrée peut être donnée.

La troisième est celle du destin. Pour nous, qui restons visiteurs, l’entrée ne nous est offerte qu’à l’unique condition que nous n’intervenions pas sur le destin de celui qui s’est réfugié dans les lieux sombres. La source de la vie nous désaltèrera et la lanterne solaire nous permettra de retrouver notre chemin.

Le symbolisme premier du chien dans de nombreuses civilisations est lié à sa fonction de guide de l’homme après sa mort. Pour les Amérindiens, s’il meurt avant son maître, il l’attend dans le ciel afin de lui montrer le chemin à suivre quand celui-ci mourra à son tour. Cette attribution d’une fonction psychopompe découle probablement des sens olfactifs et auditifs du chien, que l’homme s’est annexés pour retrouver son chemin, traquer ses proies et sauver ses pairs.

Le chien ne sent-il pas ou n’entend-il pas des choses imperceptibles pour nos sens ? Le chien est aussi le pisteur par excellence, celui qui montre la voie au sens propre comme au sens figuré.

Le plus célèbre des chiens psychopompes reste Anubis, divinité de l'ancienne Égypte à tête de chien noir. Son rôle était de superviser l'embaumement du défunt puis de l'amener jusqu'à la salle du jugement des âmes. Enfin il atteste le résultat de la balance des âmes et peut retourner ses crocs contre le simulateur.

Le chien passe aussi pour être un moyen de communication entre l'au-delà et le monde des vivants. Le chien délivre ses messages au sorcier en transe comme on le voit au Zaïre chez les Bantous, ou au Soudan, on le charge d'un message pour les morts après l'avoir sacrifié.

On trouve un homologue d'Anubis chez les Mexicains. Il se nomme Axolotl, dieu chien couleur de Jaguar qui accompagne le dieu Soleil lors de son voyage sous la terre.

Dans les sociétés orientales, on confiait les morts et les mourants aux chiens afin qu'ils les guident vers le paradis, résidence des divinités pures.

La personnalité de ce trickster, c’est-à-dire de cette divinité changeante, et la dualité de la symbolique qui le désigne, le faisant passer du chien au loup sans distinction, se retrouve dans les pays d'Extrême-Orient. Ainsi, en Chine, le chien est tour à tour le destructeur et le compagnon fidèle qui escorte les immortels au paradis. Le penseur Lao-Tseu le rattache à l'éphémère… il montre et s’enfuit.

À l'inverse, pour les Japonais, le chien est l'animal du bien qui protège les enfants et les mères. Enfin, au Tibet, il est le symbole de la sexualité et de la fécondité.

Le chien n'évoque pas le feu par lui-même, mais il est reconnu comme étant celui qui l'a transmis aux hommes. Il prend alors la place de Prométhée dans certaines tribus africaines et amérindiennes. Dans les îles d'Océanie, le chien gronde et dort auprès du feu et en est de fait le maître. Pour les Aztèques, il est le feu lui-même tandis que chez les Mayas, on l’a vu, il n'est que le protecteur du soleil pendant la nuit.

Dans un tout autre registre, le chien peut aussi symboliser la guerre et la gloire. Il est alors sujet d'éloges et être comparé à lui est un honneur. Chez les celtes d’Irlande, le héros est comparé à un chien afin de rendre hommage à sa bravoure. Ainsi le grand héros de la mythologie celte s’appelle-t-il Cuchulainn, le « chien de Culann ». Toutefois, si la bravoure est source d’admiration, elle peut aussi susciter la terreur et c’est un chien qui tuera le héros. Ainsi le chien peut-il être perçu comme une menace pour l’homme aux côtés duquel il n’est pas. Et, manifestement, le chien qui montre le chemin au cœur de la caverne n’est pas le compagnon de J… pas plus que d’A..., d’ailleurs.

Il est intéressant de noter que pour l’héraldique de l’occident chrétien, le chien est représenté de profil et passant (marchant) dans l’écu. Il symbolise la Foi, l’amitié, la fidélité, l’obéissance, le courage et l’ardeur. En matière de symbolisme chrétien, il faut toujours garder à l’esprit l’inversion relative aux anciennes traditions. Ce qui était magique, féérique, merveilleux, devient maléfique et condamnable et certaines divinités trickster se sont vues assigner une qualité plutôt que de conserver leur dualité. L’animal changeant est devenu altérité, lycanthropie, notre Mister Hyde tant que nous restons humains.

Pour nous, Maîtres Elus, ce chien est un indice… Mais, un indice de quoi ? D’altérité ? D’une certaine fusion morale du bien et du mal entre celui qui a tué et celui qui cherche à tuer ? Une fusion entre la vengeance et le remord ? Une sorte d’instinct psychiatrique au XVIIIe siècle qui identifierait l’ambivalence entre l’homme et l’animal sans encore la nommer syndrome de personnalité multiple ? Ou bien, simplement, de la méfiance naturelle envers ce que nous allons découvrir au fond de la caverne ? N’oublions pas que ce chien est aussi un loup associé à la gémellité, au bien et au mal. La Louve nourrit indifféremment Romulus et Remus. Lorsque nous rêvons à l’enseignement de nos symboles, ne l’oublions pas, c’est volontairement que le chien s’est associé à l’homme. Enchaîné, il devient méchant et assaille férocement celui qui l'approche de trop près. Lorsque nous sommes en paix avec notre cerveau reptilien, notre part instinctive, nos pulsions violentes ou sexuelles, le chien du rêve nous obéit fidèlement. Mais si nous nous sommes trop éloignés de notre animalité, le chien vient à nous et nous observe. Aussi longtemps que nous refusons de tenir compte de nos instincts, le chien des rêves, ou la meute, est méchant, agressif, ses yeux ardents reflètent une sourde passion. Alors nous n'osons pas continuer notre chemin parce que nous aurions à faire face en nous à cet animal devenu dangereux.

C’est pourquoi nous suivrons les indices qui ne sont pas aussi « moindres » qu’il y paraisse et cela nous conduira à adopter une attitude, une ouverture d'esprit plus en rapport avec les problèmes soulevés par le symbole ambivalent du chien.

 

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L
Bonjour. Il est vrai que l'on parle souvent du Rite Français en faisant référence à la divulgation de 1801, laquelle, comme tu le sais certainement, avait été vertement condamnée par le Grand Orient de France à l'époque. L'argument majeur était que cette publication n'avait pas été autorisée tant dans la forme que sur le fond. On y trouve un certain nombre d'erreurs symboliques flagrantes. Pour ce qui est de 1776, c'est la date du manuscrit portant le Rite Français, référence qui est conservée à la bibliothèque du GO. Il est vrais que la codification des Ordres de Sagesse est un peu ultérieure. En effet, la lettre Capitulaire fondant le Grand Chapitre est datée de 1788. Tu noteras que le Rite de 1801 ne mentionne pas de degrés post Maîtrise et c'est ce qui retarda la mise en œuvre des Ordres Français jusqu'à 1994. Pour avoir l' "histoire" comme tu dis, il te faudra acheter le livre de Pierre Mollier : "Les Hauts Grades du Rite Français - Histoire et Textes Fondateurs - Le régulateur des chevaliers maçons". Cet ouvrage comporte l'ensemble des ordres donc, les rituels, en reprint.
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S
bonjour j'ai bien lu votre article "avoir du chien ou pas" et je l'ai trouvé fort intéressant. Cependant, des dates sont données sans autre forme d'explications comme 1776 par exemple, je présume que c'est un rituel, mais impossible de le retrouver. Je veux bien accepter l'histoire, mais je ne retrouve aucune trace de ces écrits. Pouvez svp me donnez plus d'information à ce sujet.<br /> Merci pour la réponse<br /> Fraternellement
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L
Les sources se trouvent en l'état de manuscrit aux archives du GODF à Paris et à la Bibliothèque National, fond maçonnique.