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Truthlurker recherches et symboles

Petit traité de "Ceci-Cela"...

18 Avril 2006 , Rédigé par Lurker Publié dans #Paroles

 
« Le ceci est également cela... Le cela est également ceci.
Que cela et ceci cessent d'être des opposés est l'essence du Tao ».
Tchouang Tseu
 
"Le bambou existe au dessus et en dessous de son nœud."
Koan Zen
 
 
 
Le principe fondamental de la démarche initiatique est de trouver un équilibre intérieur. Parler avec soi-même de manière à trouver une forme d’harmonie permettant à ce que l’on croit être de cohabiter avec ce que l’on ignore de soi. Pour ce faire, il est nécessaire de concevoir sa propre existence en dehors des phénomènes reproductibles. Bien entendu, il n’est pas question de remettre en cause quelque constat scientifique que ce soit, mais de comprendre que ce que nous appelons parfois « le manque de logique de nos réaction » n’est rien d’autre qu’un moment d’affirmation d’une part de soi ignorée ou, le plus souvent, refoulée. L’Initiation repose essentiellement sur la considération que l'être humain existe dans un espace médian, entre ce qu'on appelle le Ciel en haut et la Terre en bas. On ne peut pas le séparer de cet environnement dans la mesure où il s’en nourrit et le nourrit en retour. Un Initié comprend que le monde est composé d’altérité et non d’oppositions. Les nombres l’aideront dans ce parcours :
1 symbolise Dieu, l'Unique
2 symbolise la création, la créature (le ciel et la terre, l'homme et la femme, le dialogue – donc l’altérité)
 
Afin d’avancer sur la Voie, et avant d’essayer de mettre en pratique les éléments d’équilibre qu’elle comporte, on doit essayer de comprendre quelques éléments de base qui permettrons, au fur et à mesure de l’avancée de l’adepte, de souder entre elles les principales phases symboliques qu’il rencontrera au cours de son parcours.
 
La vitalité qui permet à l'être humain de s'exprimer de manière verbale ou non-verbale, pour utiliser une formulation moderne, grâce à ses orifices de communication qui lui ouvrent les portes de son environnement, et sur le plan physique par sa gestuelle dans l'espace, est indissociable de l'influence de son milieu, qu'on peut appeler « sacré », « Traditionnel », « céleste » et du milieu "grossier" qui le supporte qu'on peut appeler « culturel » « profane » ou « terrestre ». Dans la symbolique des nombres, 3 symbolise l'homme, qui est esprit, personnalité et chair ( esprit : en ce qu’il représente le rapport de l'homme avec Dieu - personnalité en ce qu’elle est le rapport de l'homme avec lui-même et, enfin, chair : rapport de l'homme avec les autres ). Ce constat peut apporter quelques éléments à la lecture de la Genèse, mais aussi quelques éléments d’appropriations du texte. Dans ce cas, on parlera toujours de la trilogie : Ciel - Homme - Terre.
 
Mais avant d’aborder la trilogie, avant d’aborder l’Homme symbolique, essayons de trouver quelques éléments qui pourraient implicitement répondre à la question de l’équilibre. «  A quoi pensait l’Eternel lorsqu’il fit la Création ? » Etait-il véritablement Unique ou a-t-il fallu qu’il se replie sur lui-même afin de devenir multiple et d’englober l’ensemble du créé ? N’oublions pas que le terme utilisé dans la Genèse pour nommer l’Eternel est « Elohim » et qu’il s’agit d’une forme plurielle. Toujours est-il que « UN/Pluriel » crée le « Ciel » et la « Terre » avant même de procéder à la Création du Monde, de séparer les eaux, de constater le désert et le vide, « Tohu » et « Bohu ». Cette séparation du « Ciel » et de la « Terre » devait précéder la Création. Essayons de comprendre comment le cycle de la vie peut être représenté et pourquoi l’Unité n’existe que lorsqu’elle est double.
 
 
 
 
« Ceci » et « Cela »
 
« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. »
Gen. 1 ; 1
 
 
Un grand nombre de Traditions, pour ne pas dire toutes, font reposer leurs thésaurus symboliques sur un système duel. Le principe est très simple, il s’appuie sur la complémentarité de deux termes opposés qui se justifient l’un l’autre, qui ne peuvent exister que l’un par rapport à l’autre et qui, poussés à leurs extrêmes se transforment l’un en l’autre. Il s’agit d’une sorte d’alternance dynamique dont on dit qu’elle serait le moteur du monde.
 
Derrière cette simplicité se cache la base la plus complexe du symbolisme, en effet, tout repose sur cette idée qu’une chose n’existe que parce qu’elle est nécessaire, mais surtout parce qu’une autre chose lui permet de se définir. Dans le parcours initiatique que peut entamer un être humain, la compréhension de ce principe et son utilisation formeront la base de son cheminement. Qu’il choisisse de matérialiser ou de moraliser ces énergies et c’est toute la suite qui se verra dénaturée car ce choix entraînera bien des confusions, particulièrement celle entre l’analogie et l’identité.
Aucun des deux éléments n’est meilleur ou plus fort que l’autre. Le noir n’est que noir et le blanc n’est que blanc et les deux se glissent l’un dans l’autre. Le noir pur ne peut rien produire d’autre que du blanc et réciproquement. Un amoncellement de bienfait ne peut amener que la lassitude.
 
Il n’y a aucun jugement de valeur, seulement un constat. C’est ici que cela devient complexe car l’histoire de notre civilisation[1] démontre l’importance des repères moraux ou sociaux importés de cultures anciennes et intégrés dans nos résonnements et nos choix philosophiques.
 
Le manichéisme[2]qui exerça une grande influence sur le christianisme, est l’une de ces cultures qui propose un dualisme radical de type gnostique dans lequel la Lumière cherche désespérément à se dégager des Ténèbres et de la matière qui l'oppriment. Monothéisme concurrent de la foi chrétienne, le manichéisme propose une vision duelle de l’Homme tout à fait compatible avec les structures sociales patriarcales en usage. C’est ainsi qu’une vision philosophique des énergies premières se transforme en modèle social dont les principes resteront profondément encrés dans l’ésotérisme chrétien que nous connaissons à tel point que beaucoup de Traditions se sont évertuées, de part leur concepteurs, à « personnaliser » ces principes, tant en les identifiant par des planètes, ou des qualités ; « Bien », « Mal » qu’en figeant les hommes et les femmes dans ces opposés qui le sont sans l’être. Laisser les Femmes dans un rôle mineur, secondaire, justifié par leur analogie avec la Lune, l’humidité et… la passivité pour donner à l’Homme le rôle de Père victorieux, Soleil, Lumière, action devient alors tout à fait naturel dans un système où les énergies se prêtent bien à la justification de rôles sociaux d’une société profondément misogyne. Il peut alors paraître normal que les pêchés prennent leur source dans la passivité et l’inconstance féminine…L’Homme a bien souvent tendance à n’accepter que ce qui lui convient… La reproduction des modèles est beaucoup plus simple que le progrès. Car il faut bien comprendre que ce que l’on présente souvent comme opposé ne l’est pas et chaque élément n’a qu’une fonction : permettre à l’autre d’exister.
 
Notre culture mythique repose sur la connaissance de cette « dualité » de la même manière que la vie trouve ses codes dans l’ADN. Mais, de même que l’ADN n’est pas la vie, la dualité n’est pas la Tradition, l’un et l’autre sont la source, en cela ils sont analogue, de la même manière, « ceci » ayant la même « vocation première » que « cela », chacun des éléments de la « dualité » que nous tentons de définir est analogue à l’autre… pas semblable, … analogue…
 
Poursuivant cette logique, les Traditions occidentales proposent diverse formes de représentations ; un « pavé mosaïque » fait de cases alternativement noires et blanche pour exprimer la dualité, les colonnes du Temple de Salomon, sur lesquelles nous reviendrons, mais aussi l’équerre et le compas !
 
Le compas symbolise l’esprit et la pensée. Il est l’outil qui permet de dessiner le Monde, il trace des cercles, de ce fait on le considère comme « actif ». C’est ainsi que nous trouvons le cercle représentant le Ciel et le carré, représentation fixe de deux angles droits, la Terre, l’équerre.
 
Les Traditions orientales, et particulièrement la Chine, sont dominées, en toute chose, par l'idée de Yin-Yang,. Représentation de « ceci » et de « cela ». Selon eux, la Terre est Yin et le Ciel est Yang. Le Ciel est aussi représenté par un cercle et la Terre par un carré ; le ciel est bleu et la Terre est ocre, jaune ou orange. Il y a dans cette représentation l’expression même de cette complémentarité dans la mesure ou le bleu est une couleur Yin et l’orange yang. Cela indique très bien que l’un est contenu dans l’autre et qu’il ne saurait exister de polarité unique.
 
Cette dualité mène la vie par son système polarisé qui fait que tout ce qui existe est composé de deux opposés. Le jour n’existe que parce qu’il y a la nuit et il en est de même pour les innombrables paramètres que l'on peut imaginer, le bas, le haut, le clair, le sombre…etc. Cette polarisation va encore plus loin dans la mesure ou elle obéit aussi à un fonctionnement cyclique. Comme nous l’avons vu, « ceci » présente son existence comme contenue dans « cela » mais, plus encore, pour exister, il doit tendre vers « cela » comme le jour devient nuit et la nuit redevient jour, la vie est un mouvement permanent.
 
Une ancienne représentation de l’Empereur Fo-Hi[3] à qui la Tradition Taoïste attribue l’invention des trigrammes du Yi-King[4], le montre portant une équerre et sa sœur-épouse, un compas. De plus, l’Empereur, partie masculine de l’androgyne est placé à gauche. En fait, comme pour les couleurs, il n’y a pas, là, d’erreur ou d’inversion. Les traités d’acupuncture nous indiquent que la partie droite du corps humain est parcourue par une énergie Yin alors que sa forme est yang. Le mouvement interne de l’un à l’autre est ici représenté par le fait que l’Homme symbolique (yang), défini par rapport à la femme symbolique ( yin ) doit donc porter l’équerre à gauche puisque la gauche est yang et l’équerre, yin. Contrairement à ce que définissent parfois certaines Traditions, la Femme n’a pas besoin de devenir Homme pour exister puisque le cycle l’amène à être considérée comme un élément à part entière dont le fait de tendre vers le mâle impose au mâle de devenir femelle.
 
En toute logique, le « re-bis » androgyne de Basile Valentin montre la femme tenant l’équerre et l’homme le compas, affirmation redondante spécifique de la Tradition occidentale hiérarchisant les principes mâles et femelle. L’idée générale reste mais ignore la réalisation du mouvement.
 
Comme le disent les chinois, « si vous avez bien compris ce qu'est le Inn-Yang, c'est qu'on vous l'a très mal expliqué ».
 
Ce système principiel est, on le voit, extrêmement simple . « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas »[6], non pas parce que les choses sont identiques, cette vision du monde est exclusivement réservée aux matérialistes les plus farouches qui pensent que tout se réduit à la mathématique, mais bien parce qu’elles sont analogues.
 
De fait, qu’il s’agisse d’énergie visible ou de particularités physiques, le corps humain est bien partagé en deux demi-corps, l’un plus yang ( sthénique ) l’autre plus yin ( asthénique ).
 
Dès lors, les deux représentations dont nous parlions plus haut démontrent bien le sens du partage binaire en symbolisant le duel par un hermaphrodite, ce que le Taoïsme représentera par le Tai-Chi.
 
La relation exacte qui existe entre les deux éléments est un rapport enveloppant/enveloppé. Le yin, femelle, est enveloppant, le yang, enveloppé. L’image la plus claire de cette représentation est celle de la Shakti chevauchant le Dieu, lui même enveloppant la Femme de ses bras. Les deux représentations sont à la fois enveloppantes ( la femme par l’accueil du sexe du Dieu ) et le Dieu par l’embrassement de la Femme, et enveloppées ; lui par la pénétration, elle par sa positions lovée.
 
 
 
 
On vient de le voir, la logique la plus élémentaire nous porte à constater que « Tout ce qui a une face a un dos et que, plus la face est grande, plus le dos est grand[7] » la face et le dos sont antagoniste mais l’un ne peut exister sans l’autre.
 
La même logique élémentaire nous porte à constater que la face qui existe pour nous est celle que nous regardons. Inconsciemment, on la considérera comme positive. On peut donc dire que cette face est visible, active, dynamique, colorée par rapport à l’autre face, invisible, inactive, passive, sombre. Ceci est vrai jusqu’à ce que l’on retourne l’objet. Alors, on garde la même vision du monde mais les qualificatifs s’appliquent à l’autre face. Il est alors facile de reverser la polarité des qualificatifs si c’est la même personne qui retourne l’objet, mais si cette personne confie l’objet à quelqu’un d’autre, le constat devient plus difficile.
 
De fait, lorsque l’on parle d’ « une » chose, on parle nécessairement de ses « deux aspects », et l’on induit un jugement de valeur, même si cela n’apparaît pas explicitement dans la conversation ou dans le langage.
 
Il est bien évident que désigner une chose la décrit comme existante, donc, en plusieurs dimension. Il n’existe rien dans notre monde qui ne présente qu’une face. Même une feuille de papier qui semble plate présente un recto et un verso. Le fait de dessiner cette même feuille offre une représentation sur deux dimensions qui n’enlève rien au fait que la véritable feuille possède deux faces. De même, cette représentation implique que celui qui la regarde « voit » la feuille et en conçoit l’existence et le fait qu’elle présente un recto et un verso. Par contre, si cette même personne regarde la feuille, à aucun moment il ne conçoit spontanément sa représentation symbolique. Le symbole (dessin) désigne le principe (feuille) mais cela n’est pas réciproque.
 
A travers toute l'histoire du symbolisme et de la pensée ésotérique, l'usage de concepts archétypiques, loin d'être réducteur, s'est révélé particulièrement heureux. Certes, on accroche le réel, on le décortique, en lui apposant des mots. Mais justement, le grand respect des forces du cosmos fait que cette découpe a été effectuée avec un soin chirurgical. Les penseurs d'antan ont pris grand soin de cela. Les notions de terre, de ciel, d'eau, de vent, de tonnerre, de lac et de montagne du yi-king, sont des archétypes et ces forces primordiales offrent un terrain de recherches scientifiques aussi légitime que l'étude des protons ou le décryptage de l'ADN.
 
Chacun sait aujourd’hui, depuis qu’Albert Einstein a démontré sa théorie de la relativité, que la matière et l’énergie ne sont rien d’autre que les deux aspects d’une seule et même réalité. Cependant, l'essentiel de la relativité ne s'arrête pas à cette constatation physique; il faut le compléter par un concept bien plus vaste qui sous-tend toutes les lois de l'Univers, et que l’on peut définir par : « dans l’Univers, l'absolu n'existant pas, tout n'est que relatif ». Cette conception du monde, beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît, est à la source de toute initiation, la source de toute connaissance. Elle est aussi la source de la vie elle-même, ce qui peut s’exprimer par : « ce qui est en face est comme ce qui est ici[8]» La relativité du monde est, dès lors, extrême dans la mesure où être relatif c'est se référer à un repère lui-même relatif puisqu'il ne peut y avoir de repère absolu.
 
On peut comprendre alors que, d'une part, aucun état extrême n'est stable de façon durable et que, d'autre part, un phénomène n'a de réalité que s'il a la possibilité de justifier son sens et sa nature à partir d'un état opposé et complémentaire au sien. Etat vers lequel il tend pour s’y fondre, c’est ainsi que le Yang va vers le yin en provoquant le mouvement car la double hélice n’est pas fixe. Le Yi-King offre parfaitement cette image du mouvement dans l’organisation de ses mutations.
 
 
 
Ainsi, il ne peut exister de jour sans nuit, de lumière sans obscurité, d'homme sans femme, de ciel sans terre, de joie sans peine, de bien sans mal, de forme sans nom, de masse sans énergie... et de vie sans mort. Chacun des points indiqués n’étant lié à aucun autre en dehors du contexte de son étude. Cela nécessite une petite explication. Si l’on parle de la Vie et de la Mort, on ne parle pas du Bien et du Mal ; la Vie n’est ni le Bien ni le Mal et la Mort n’est ni le Mal ni le Bien… elles sont, tout simplement.
 
De la même manière, si l’on parle de l’Homme et de la Femme, on ne parle pas d’actif et de passif. L’Homme n’est ni actif ni passif et la Femme ni passive ni active… ils sont et plus, le seul moment où ils sont symboliquement sexués est, comme on l’a vu plus haut, quant ils se chevauchent sinon ils ne sont qu’un.
 
Alors, peut-on se demander, pourquoi les ranger dans cet ordre ? On peut surtout se demander pourquoi les lire dans cet ordre ? Ce qui est vrai c’est que lorsqu’on lit le tableau des correspondances dans lequel sont listé le Bien, le Mal, le Soleil, la Lune, le jour, la nuit, on le lit dans sa globalité et dans sa propre langue. Dans sa globalité implique l’impression que tout ce qui est dans la même colonne Bien, Soleil, Jour, Sec, Homme, présente une expression identique et surtout sont identifiés comme similaires, ce qui n’est pas du tout le cas dans la réalité. En effet, les principes de l’analogie ne sont pas les mêmes que les principes de l’identité.
 
C’est la seconde fois que nous parlons du principe d’analogie sans en décrire le fonctionnement. Imaginons que nous soyons devant un monument. Un grand Monument. Notre culture occidentale « cartésienne » nous permet de constater son existence de deux manière :

Grimper sur un monument plus haut et assez éloigné afin d’avoir une vision globale de la chose. On sait que la chose existe et l’on peut la voir, constater son environnement et, selon sa forme, en comprendre le fonctionnement. Quelle est cette chose et à quoi elle sert.

S ‘approcher le plus près possible, constater le détail de la chose et, en se déplaçant, créer le puzzle qui permette de reconstituer le monument.

Cette manière d’appréhender le monde offre l’avantage de le définir et d’en découvrir le mode de fonctionnement au fur et à mesure. L’un des inconvénients est qu’il faille choisir en permanence le sens de découverte du monde, c’est à dire quel type d’échelle de comparaison sert à définir les événements. C’est le système de la recherche scientifique dans lequel chaque événement doit être non seulement constaté mais reproductible.
 
Les principes de l’analogie sont d’un tout autre ordre.
 
Revenons à la face et au dos. Il n’y a aucun jugement de valeur dans un volume ; la face d’une chose n’est face que parce qu’elle nous fait face justement, si nous la retournons, ce qui était le dos devient une autre face…
 
Il y a bien, alors, une vision directe et une vision cachée. Pour revenir aux énergies ; une énergie directe et une énergie… « enveloppante ». Pourquoi enveloppante et non pas négative et bien, tout simplement parce que tout étant relatif, rien ne peut être véritablement négatif… Il y a ce qui est bon pour nous et… « à quelque chose malheur est bon ». L’Homme et la Femme, le Bien et le Mal, le Jour et la Nuit ne sont pas deux entités, mais deux qualificatifs désignant des modalités d'expression qui s'affrontent sans jamais s'exclure. Ils ne sont pas les termes contraires d'une antithèse, mais plutôt deux complémentarités qui s'impliquent mutuellement. De ce face à face naît un équilibre dynamique qui va engendrer le développement et la transformation de tout phénomène, car en réalité tout n'est qu'évolution et mutation permanente. C’est ce que les chinois nomment Yin et Yang. Ce que l’on peut appeler « Ceci » et « Cela ». L’ensemble du monde n’est composé de rien d’autre que du mouvement et de la transformation permanente de ceci et de cela.
 
En d’autre termes, pour ce qui est de la nature humaine, ce principe offre l’image de l’Homme face à lui même… face à son identité double, son altérité. L’image idéalisée qu’il se renvoie se superpose en permanence à celle qu’il craint. La nature de l’Homme est de se parfaire, d’une manière plus « mystique » on pourrait dire que la nature de Dieu est d’observer Dieu.
 
Mais, le monde ne serait pas complet s’il n’était que double. Les chinois, par exemple, expriment cette dualité par le Tao dont la représentation graphique est un cercle bicolore séparé en deux moitiés par une ligne ondulée dont la forme est celle de l’hélice d’ADN. Chaque part ainsi formé est d’une couleur différente, généralement noir ou blanc et présente un « œil » dans sa partie la plus épaisse, lequel est de la couleur de l’autre part.
 
Cette représentation exprime plusieurs choses. Tout d’abord, la dualité du Yin et du Yang telle que nous venons de la décrire, d’une part , et, d’autre part les « yeux » indiquent que les opposés ne sont jamais strictement d’une seule nature. Mais aussi que ce qui est symbolisé indique que l’ensemble des deux éléments présente une existence en tant que telle. « Ceci » et « cela » ne sont, en fait, que les composantes de « Ca ». Cela amène à concevoir l’une et l’autre chose comme un tout. Cette constatation offre donc un troisième élément : le concept.
 
Il y a donc « ceci » et « cela » plus le constat de leur existence. C’est trois éléments forment une sorte de « danse » permanente qui est symbolisée par le Nataraj hindou dont on peut constater au premier coup d’œil la ressemblance avec le Tao.
 
 
Chercher l’unique dans la quête du double
 
Dans le domaine qui nous occupe, quels sont les éléments que nous pouvons utiliser directement pour comprendre ce que nous apporte cette connaissance. Pour l'homme, le but secret de la recherche du double est : "Révèle-moi la Femme".
 
Il n’est pas question ici de se demander ce qu’est l’histoire de l’autre ou bien, de parler afin de « mieux se connaître ». Ces éléments sont assez superfétatoires et ne reflètent pas la réalité. Ils n’empêchent en rien la méfiance et n’apporte aucune source de plénitude à l’un comme à l’autre. La question n’est donc pas « quel individu crois-tu être ? » N'importe qui du sexe féminin est à même de montrer cela à n’importe quel homme. Il se peut qu'il y ait quelques rares exceptions, mais en règle générale, peu importe qui est la femme, quelle est sa constitution physique, quelle est sa personnalité - une femme sera toujours une femme. Tout est là.
 
Une Femme authentique veut savoir qui est l'Homme, mais pas les autres femmes. Connaître l'Homme irait à l'encontre des intérêts du psychisme de la femme moyenne, contre chacun de ses intérêts, y compris celui qui la pousse vers la famille, l'amour et j'en passe.
 
La Femme est un mystère profond. La plupart des hommes n'y trouvent pas leur avantage. Ils veulent s'envoyer en l'air, puis en terminer. Et chaque femme croit qu'en se contentant de geindre un peu, elle va montrer au type qui elle est. Non. La motivation de la femme devrait être : "Révèle-moi l'Homme", non pas : « Je te révélerai la Femme". Nombreuses sont les femmes qui pensent : "Je vais te révéler qui est la Femme", néanmoins, elles vont très vite se rendre compte qu'elles ne font pas de différence entre leur yoni et un trou dans le sol.
"Révèle-moi la Femme !" Il faut des années pour y arriver, à moins que, peut-être, la première fois ne soit la bonne. Cela dépend de qui vous êtes et de ce que vous faites.
L'homme qui sait en quoi consiste ce Travail, ne sera jamais satisfait tant qu'il n'aura pas découvert, d'une façon ou d'une autre, ce qu'est la Femme. Grâce à Dieu, la relation sexuelle n'est pas le seul moyen d'y parvenir. Il y en a d'autres. Mais la relation sexuelle est la façon la moins secrète, la plus évidente. C'est un moyen indiqué par des lettres en tubes de néon rouge de deux mètres de haut. Les autres façons sont infiniment plus subtiles.
 
 
L'harmonie est dans l'équilibre et l'équilibre résulte,
en occultisme, de l'analogie des contraires.
(S. Gabirol)
 
« Lorsque l'on chemine à deux, on va plus loin sur la route. »
(Platon, Le Banquet 174d)
 
Les multiples chemins qui conduisent à cet équilibre intérieur sont illustrés par des symboles, des actes, des écritures de telle manière qu’il soit possible d’appréhender le thésaurus dans son ensemble à travers des représentations rituelles, verbales, gestuelles et graphiques dont chaque élément représente une part. Dans ce corpus, le silence est l’élément fondateur de la compréhension, l’élément qui permettra de comprendre les énergies premières, le voyage qui prolonge le rituel d’initiation sans y être codifié, comme si le silence des individus devait être formalisé par l’absence des lettres, comme si le voyage de l’Homme était nécessairement un voyage immobile.
Le risque, est de rester inchangé ; d’avoir à ce point peur de l’évolution proposée que l’intelligence fasse place à un orgueil démesuré dont les conséquences seront de penser que nous sommes parfaits. Si parfaits que « quelque chose », que « quelques uns » ont organisé un vaste complot ayant pour objet de nous soumettre… cet orgueil rend imperméable à l’écoute de soi-même et de l’autre. Il traduit le « Silence » comme un « passage obligé » inutile et stérile. Il nous amène, en cas de lassitude, à retourner à l’état antérieur, à nous complaire dans un statu quo confortable. Cette démarche positive ou négative de l’être est symbolisée par la construction et la destruction du Temple de Salomon.
…On comprend bien, dès lors, qu’il faille établir une part de silence entre la réalité et l’être afin qu’il puisse trouver son harmonie intérieure. Le silence devient un moyen de se laisser progressivement gagner par le calme. L'Apprenti laissera alors les paroles passer, n’arrêtera pas ce qui s’éveille et qui lui permettra d’atteindre quelque chose d'autre. Comme un yoga. Comme une éthique intérieure… Comme la "Vérité"…
Il semble que cette forme de silence soit à la fois celle de l’homme, mais aussi celle de la construction du Temple intérieur qui, comme celui de Salomon se bâtit sans que l’on entende « ni marteaux, ni pics, ni aucun outil de fer dans le Temple pendant sa construction[9]. » Un silence né de la séparation des métaux, en quelque sorte. Un silence né du cœur de la Terre, un silence venu du premier voyage, comme sa continuation, puisque l'on a privé le profane de ses métaux en l'introduisant dans le cabinet de réflexions ; le lieu souterrain où sont établies les fondations du Temple.
 
 
C’est à ce point que les choses vont encore se compliquer. La Tradition sur laquelle repose l’ésotérisme occidental et plus particulièrement certaines formes de l’ésotérisme chrétien, symbolise les concepts de « ceci » et « cela » par les colonnes du Temple de Salomon… Lequel repose sur beaucoup de formes traditionnelles. Le Temple est la représentation symbolique du voyage spirituel de l’Homme. Un voyage fait de transformations et de découvertes.
 


[1] Et pas uniquement la nôtre, mais, nous sommes plus culturellement impliqué dans celle-ci et le propos devient plsu compréhensible. Cependant, le processus, même s’il repose sur des bases culturelle différentes peut être développé de manière identique.
[2] Fondé par Manès (215-275 ap. J.-C.), un citoyen de Ctésiphon tout juste devenue la capitale de l'empire sassanide (226-651), le manichéisme est une forme hérétique du zoroastrisme.
[3] Cf. Hervé MASSON in « Dictionnaire initiatique » Belfond 1970 – Fo-Hi, ancètre de l’humanité, est ici représenté en caducée avec son épouse Niu-Koua 
[4] Appelé aussi "Livre des Mutations" ou, "Livre des Transformations" , Le Yi King est un ouvrage plusieurs fois millénaire, outil d'exploration des problèmes et d'aide à la décision. Ouvrage majeur de la Chine antique, canon de la métaphysique taoïste dont Lao Tseu décrivit les fondements dans son « Tao Te King », sa rédaction est attribuée au légendaire souverain Fo Hi.
Le Yi King expose, à partir de soixante-quatre hexagrammes et des principes de transformations qui peuvent les transformer l’un en l’autre, toutes les situations. Les traits (Yao) d'un hexagramme peuvent être brisés (--) ou pleins ( __ ). Ils représentent respectivement le souple et le ferme, l'obscurité et la lumière, le faible et le fort, le Yin et le Yang. Chaque hexagramme a une répartition de traits Yin et Yang qui lui est propre et qui symbolise l'ensemble dynamique d'une situation. Un hexagramme peut aussi être lu comme la superposition de deux trigrammes. Dans certains cas, les traits Yin et Yang passent de l'état brisé à l'état plein, et inversement : ce sont les traits mutables. Ils mettent en évidence les "transformations", sujet d'études du Yi King. Par le biais des traits mutables, chacun des 64 hexagrammes peut se transformer en n'importe quel autre des 64 hexagrammes. Le Yi King propose de ce fait 4096 réponses ou combinaisons possibles.
Selon la tradition, l'ensemble du Yi King nous aurait été légué par quatre sages : Fo Hi, Le Roi Wen, le Duc de Zhou et Confucius. Le premier d'entre eux, Fo Hi (dont on avance même les dates : 4477-4463 avant J.C), est l'un des trois Augustes, fondateurs de la civilisation chinoise. Fo Hi a pour emblème l'équerre (symbole de la terre carrée), car il donna les éléments pour mesurer le monde et le construire
[6] Cf. la « Table d’Emeraude » : « En Vérité, sans fausseté, en certitude et vérité parfaites, ce qui est en haut est Comme ce qui est en bas, et ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, pour l'accomplissement des miracles de la Chose-Une. Et comme toutes choses procèdent du UN, par la médiation du UN ainsi toutes choses tirent leur origine de cette Chose-Une par adaptation. Le Soleil est son père, la Lune est sa mère, le Vent la porte dans son ventre, sa nourrice est la Terre. Il est le père de toute perfection ou accomplissement dans la totalité du monde. Sa puissance est intégrante, si elle est transformée en terre.

Tu sépareras la terre du feu, le subtil du grossier, délicatement, et avec une grande ingéniosité. Cela monte de la terre vers le ciel et redescend vers la terre, recevant la puissance des supérieurs et des inférieurs. Ainsi tu as la gloire du monde entier ; que toute obscurité s'envole donc devant toi. Ceci est la force forte de toutes les forces, surmontant toute chose subtile, et pénétrant toute chose solide. Ainsi fut créé le monde. De là sont venues toutes les merveilleuses adaptations dont ceci est le procédé. C'est pourquoi je suis appelé Hermès Trismégiste, possédant les trois parties de la philosophie du monde entier. Ce que j'ai à dire est terminé concernant l'opération du Soleil
. »
  
[7] Cf. site de Sensei NYOTI SAKURAZAWA http://home.tiscali.be/michel.vanhomwegen/ordre.html
[8] Cf. note 4 plus haut.
[9] 1 Rois 6 ; 7
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